IntroductionVoici donc un topic sur l'animé de
NNT. Je ne l'avais pas créé au moment de la diffusion de la saison 1, mais à l'occasion des 4 épisodes spéciaux (
Signs of Holy War) qui vont être diffusés à partir de dimanche, je me suis dit qu'il était temps.
Signs of Holy War, écrit par Suzuki lui-même, va faire le lien avec la saison 2 et corriger a priori le souci de l'épilogue de la saison 1 qui est un peu incompatible avec la suite de l'histoire.
Pour ceux qui ne connaissent pas le manga, il y a la présentation très complète de seleniel du
topic de la prépublication, ainsi que le
topic sur la publication en France avec une présentation de Rob Zombie plus simple et courte. De mon côté je vais essayer ici de présenter l'oeuvre sous un angle un peu différent, sans entrer dans les détails de l'histoire et en me focalisant sur quelques aspects qui me semblent intéressants pour la saisir.
Jaquette du sigle "CLASSIC", opening de Signs of Holy War Il y a bien longtemps sur l'île de BritanniaDébuté fin 2012,
NNT est un shônen manga réalisé par
Nabaka Suzuki et pré-publié dans le Weekly Shônen Magazine de Kôdansha (aux côtés de
Fairy Tail, histoire de le situer). Le sujet est simple : une relecture de la légende Arthurienne sous le prisme du Shônen Manga.
Premier fait rare, ou peu courant, Suzuki a annoncé que sa série comporterait trois arcs narratifs. La saison 1 a adapté le premier arc, le second est en train de se finir et on s'attend à une annonce de saison 2 de l'animé pour 2017. Donc il y a un début, un milieu et une fin toute programmée.
Ensuite citons un autre fait qui a fait couler un peu d'encre l'an dernier. Grâce au boost de la saison 1 de l'animé,
NNT a réussi à dépasser
au premier semestre 2015 One Piece en termes de ventes et a fini sur
l'année 2015 en seconde position. Fait exceptionnel s'il en est. Cette année sans boost, donc en comptant uniquement sur ses ventes régulières, la série devrait simplement terminer en numéro 6 ou 7, ce qui pour un manga de Kôdansha reste dans l’absolu un très gros succès -
Fairy Tail tournant par exemple au Japon autour de la place 15. NNT est en fait le second manga le plus vendu de Kôdansha, derrière
L'Attaque des Titans.
Un succès inattendu et étrange pour un shônen manga a priori très classique, réalisé par un vieux bourlingueur au parcours atypique.
Nabaka Suzuki comme il aime se représenter Un auteur qui trace sa route comme il l'entendEn 2012, lorsque Suzuki signe chez Kôdansha pour réaliser
NNT, il n'est plus un débutant. Il a déjà 14 ans de carrière et réalisé 6 séries de longueurs variées chez trois autres éditeurs ! Il a ainsi la particularité d'avoir été édité chez les 4 plus grands éditeurs japonais.
C'est en 1998, chez Shueisha et dans le Jump, qu'il publie sa première série avec
Rising Impact (17 tomes), un manga sur le Golf. Puis en 2002 avec
Ultra Red (4 tomes) il dessine cette fois-ci un manga d'arts martiaux. En 2004
Boku to Kimi no Aida Ni (3 tomes), récit d'aventure, sera sa dernière oeuvre chez Shueisha : les sources ne sont pas claires mais il semble qu'il y eut un désaccord entre Suzuki et Shueisha concernant un contenu jugé trop "sexuel" par l'éditeur (ce qui est amusant/intéressant lorsqu'on connaît NNT).
Suzuki change donc d'éditeur et passe chez Shogakukan où il publie deux oeuvres :
Blizzard Axel (2005-2007, 11 tomes), sur le thème du patinage artistique, puis
Kongô Banchô (2007-2010, 12 tomes), un récit furyo/fantastique qui a été publié en France chez Kana.
En 2011 il fait un court passage chez Akita Shoten et y signe
Chiguhagu Lovers (2 tomes), manga mêlant arts martiaux et romance.
C'est donc après avoir roulé sa bosse chez plusieurs éditeurs et publiés plusieurs séries courtes ou moyennes qu'il arrive finalement en 2012 chez Kôdansha pour réaliser un shônen d'aventure :
Nanatsu no Taizai [
The Seven Deadly Sins].
Il y a évidemment de nombreuses choses à dire sur le style de Suzuki, sur son art narratif fait de rupture, son découpage nerveux et son dessin s'inscrivant dans la lignée d'Akira Toriyama. Cependant je pense que son parcours illustre un certain caractère qu'on retrouve dans sa façon de travailler : sans assistant. En effet Suzuki dessine ses mangas tout seul, sans aucune aide, ce qui pour de la publication hebdo dans des grands magazines shônens relève d'un sacré tour de force et démontre une forte personnalité, expliquant sans doute aussi ses balades d'un éditeur à un autre.
Evidemment il n'y pas de secret sur son dessin : son style ne s'attache pas aux détails. Il se concentre sur le corps et l'action (mouvement), et a développé pour les décors un style allant à l'essentiel et assez joli.
Grâce à cela il possède une capacité de production relativement impressionnante : pour une planche, il lui faut une demi-heure pour les esquisses et une à deux heures pour l'encrer. J'avais fait un calcul et il est capable de réaliser ainsi 23 à 24 planches par semaine, ce qui lui permet de réaliser des chapitres extra et des chapitres plus long de temps en temps. De plus dans les tomes reliés, il lui arrive parfois de refaire des pages partiellement ou totalement (lorsque ce sont des pleines pages).
Cependant, en dépit de ce que je viens de raconter Suzuki n'est pas seul : il peut compter sur le soutien de sa femme !
Illustration classique des mots de l'auteur :
ici celui du tome 21 de NNT Un mangaka amoureuxEn effet la femme de Suzuki, bien que discrète, apparaît régulièrement ici et là. Il aime se dessiner avec elle sur les mots de l'auteur de ses tomes, elle-même s'invite parfois dans les réponses aux questions des lecteurs et point plus étonnant : elle lui file à l'occasion un coup de main pour la finition des chapitres ou des tomes. On ne sait pas exactement ce qu'elle fait, mais dans un tome de
Kongô Banchô Suzuki avait dessiné son atelier, et on y voyait bien sûr son bureau mais aussi celui de sa femme.
Un "couple" très présent dans la vie du mangaka, ce qui surprend par rapport au mythe du mangaka (homme ou femme) qui vit coupé de sa famille lorsqu'il dessine, ne la voyant qu'une fois par semaine, si ce n'est moins. Apparemment ce n'est pas le cas avec Suzuki qui semble tout partager avec sa femme (qui adore tout de même passer du temps sur ses jeux vidéos nous apprend-t-il).
C'est un aspect qui me semble important et qui permet peut-être de trouver une origine au thème principal de
NNT, qui n'est pas l'amitié ou le dépassement de soi comme généralement dans les shônens mangas (même s'ils sont présents). Non, le thème principal de son oeuvre phare s'avère être l'amour. Ce qui surprend dans
NNT à sa lecture c'est la place centrale et presque omniprésente de l'amour. Bien qu'il s'agisse en surface d'une lutte entre bien et mal, les motivations des personnages tournent presque systématiquement autour de l'être aimé.
D'une certaine façon on peut y voir une reprise du motif du chevalier (et de sa dame) venant de la source inspirant son oeuvre (la légende Arthurienne) mais le résultat reste surprenant. Ainsi
NNT se trouve structuré autour de différentes histoires d'amour, parfois étranges, de temps en temps dérangeantes, mais toujours pleinement assumées et finalement attachantes.
De par ce thème quelque part adulte (les ados n'aiment pas trop que les histoires d'amour prennent trop de place dans leurs récits d'aventures)
NNT impose une identité inattendue que nous pouvons rapprocher à son ton et son rythme
old school, rappelant par moment les grandes heures des années 1990. L'oeuvre est construite autour d'une narration et d'une dynamique typique de cette époque, faisant la part belle au premier degré dans la
cool attitude, mais avec des enjeux dramatiques qui ne sont clairement plus adolescents, même si pas seinen.
En effet, et ce sera le mot de la fin,
NNT est à un mon sens destiné en premier lieu aux trentenaires désirant se replonger dans un shônen "classique" mais qui ne parle plus exactement d'amitié ou de fougue de la jeunesse.