"Imaginez une Terre poncée, avec en son centre une bande de cinq mille kilomètres de large et sur ses franges un miroir de glace à peine rayable, inhabité. Imaginez qu'un vent féroce en rince la surface. Que les villages qui s'y sont accrochés, avec leurs maisons en goutte d'eau, les chars à voile qui la strient, les airpailleurs debout en plein flot, tous résistent. Imaginez qu'en Extrême-Aval ait été formé un bloc d'élite d'une vingtaine d'enfants aptes à remonter au cran, rafale en gueule, leur vie durant, le vent jusqu'à sa source, à ce jour jamais atteinte: l'Extrême-Amont.
Mon nom est Sov Strovchnis, scribe. Mon nom est Caracole le troubadour et Oroshi Melicerte, aéromaître. Je m'appelle aussi Golgoth, traceur de la Horde, Arval l'éclaireur et parfois même Larco lorsque je braconne l'azur à la cage volante.
Ensemble nous formons la Horde du Contrevent. Il en a existé trente-trois en huit siècles, toutes infructueuse. Je vous parle au nom de la trente-quatrième: sans doute l'ultime."
Il fallait que je le fasse. Que je vous fasse découvrir cette oeuvre incroyable signé Alain Damasio et couronné par le Grand Prix de l'Imaginaire 2006. Je viens à peine de débuter la lecture de ce roman que je me sens déjà aspiré par l'ambiance particulière qui sans détache. Le vent, le seul et unique, celui qui est bravé par une horde de vingt-trois hommes et femmes, est l'élément majeur de cette histoire, celui qui fait naître et celui qui détruit. L'auteur a réellement réussi à construire une véritable philosophie autour de cet élèment. Tout son univers est construit autour, ce qui donne un monde particulièrement dévasté mais tellement en marge des mondes qu'on a pu cotoyer par le passé.
En plus d'aborder de manière intéressante son univers, Alain Damasio a également introduit dans son histoire un élèment narratif alors jamais vu auparavant. Vingt-trois personnages pour vingt-trois points de vue diffèrents. Bien évidemment, certains personnages restent tout de même secondaires, leurs interventions restant moins courante que d'autres, mais c'est un plaisir de suivre l'histoire des yeux des diffèrents personnages.
A ce propos, j'ai bien aimé le passage d'un des personnages, Caracole le troubadour, qui présente rapidement ce qu'est la Horde.
"Amis du large, encore et encore: bonjour ! Jeunes glyphes des sables, chrones et antéchrones qui s'annonceront sans politesse, je vous attends de pied souple: accueillons-nous ! Ah, ce furvent, ce vieux père siffleur, j'adore en pressentir la venue ailée, brouillonne certes, mais quoique !? Je ne me suis pas présenté ? Excusez l'instant qui porte au lyrisme, nous sommes, bonjour, vous êtes ? Caracole, où suis-je ? Oui, lui même, troubadour donc --- et conteur. Pour le compte ? De la 34e Horde du Contrevent, messaigneurs, menée de haute main par son Traceur, l'haigneux et percute-souffle Golgoth, neuvième du nom. Epaulé, il faut le préciser, par notre combattant-protecteur, un trancheur à l'hélice, j'ai nommé Erg Machaon ; et à sa droite, par le pilier des piliers, une poutre à deux pattes, Firost de Toroge, mesdames, que vous serez heureuses d'avoir devant vous quand mes pères et mères vous cracheront de la farine par les bronches, dans moins d'une heure. Bien ! Et qui suit ces trois animaux ? Qui égaie et élève ? Pietro le Prince, un Della Rocca de la plus noble des extractions, et son pendant, fils de gueux, une lame debout, toujours à sa gauche: mon pote Sov le Profond, scribe dit-on, mais pour moi "philosov". Entre eux gît et s'agite notre géomaître Talweg, amoureux des pierres, et derrière eux ... est-ce trop rapide, dois-je ralentir ? --- derrière ces six merveilles sus-citées, qu'on nommele Fer, se trouve le Pack pour sûr, en trois rangs compacts, aérés d'oiseliers inconciliables, d'une fine cueilleuse et d'une feuleuse, d'un éclaireur obscur et de deux artisans, de branleurs --- salut Larco ! --- Et puis... Quiconque ? Les trois crocs dans la traîne, daignez suivre, tirant les charges ! Combien en tout ? Vingt-trois. Sans les autours ni les faucons, notez bien. Tous d'équerre, debout, d'aplomb ? Ma foi oui mais vifs encore ? Je ne sais...
Vingt-trois personnages donc, désigné par vingt-deux signes différents à chaque passage les concernants.
- Golgoth, traceur.
- Pietro della Rocca, prince.
- Sov Strochnis, scribe.
- Caracole, trombadour.
- Erg Machaon, combattant-protecteur.
- Talweg Arcippé, géomaître.
- Firost de Toroge, pilier.
- L'autoursier, oiselier-chasseur.
- Steppe Phorehys, fleuron.
- Arval Redhamaj, éclaireur.
- Le fauconnier, oiselier-chasseur.
- Horst et Karst Dubka, ailiers
- Oroshi Melicerte, aéromaître.
- Alme Capys, soigneuse.
- Aoi Nan, cueilleuse et sourcière.
- Larco Scarsa, braconnier du ciel.
- Léarch, artisan du métal.
- Callirhoé Déicoon, feuleuse.
- Boscavo Silamphre, artisan du bois.
- Coriolis, croc.
- Sveziest, croc.
- Barbak, croc.
Un groupe soudé et complètement autonome pouvant survivre pendant des années à sa quête de l'Extrême-Amont.
Après quelques chapitres dévorés, j'en resors quelques points négatifs, un peu gênant à la longue. Tout d'abord, pour le moment, les narrateurs sont souvent les mêmes, reléguant donc les autres à personnages trés secondaires (Sov, Pietro, Caracole, Oroshi et Golgoth sont nettement les personnages principales), mais n'étant qu'au début de l'histoire, ça peut encore évoluer. Aprés, on note une incomprehension de qui parle à qui. Il y a tellement de personnage qu'on ne sait plus qui parle, et c'est souvent le passage suivant qui nous donne la réponse, c'est trés déstabilisant au début. Mais ces points négatifs n'enlève en rien la qualité de narration de l'auteur, qui par contre, nécessite que l'on ai à côté de soi un dictionnaire.
Quelques petits et gros points à souligner. Le livre est numéroté à l'envers. On commence de la page 521 jusqu'à la page 1, ce qui insiste bien sur le faite que la Horde remonte le vent, je trouve ça assez sympa. Tout comme les petites illustrations qui montre les différentes formations de la Horde indiqués par les signes attribués au personnages qui permettent de comprendre comment elle affronte l'élèment puissant et instable qu'est le vent. Le gros, trés gros point fort du livre, qu'on trouvera malheureusement qu'avec le grand format, c'est la présence d'une bande originale fort bien réussi qui donne vraiment une consistance à l'ambiance générale.
Je me suis vraiment déchiré pour faire ce message, qui aurait mérité un sujet, malheureusement pas trés utile. Qu'importe, le plus important c'est que j'ai pu vous faire découvrir cette oeuvre exceptionnelle qui mérite amplement qu'on se laisse bercer par le vent qui s'en échappe.
J'aurais plus qu'une chose à dire, le cosmos... est... mon campement.
_________________
 Les règles du forum sont faites pour être respectées, merci de les garder en tête avant de poster.
Un an déjà + Fullmetal Epic
|