Cher journal,
Aujourd'hui, jour de la Saint-Valentin, je me suis enfin décidée à sauter le pas. Grâce à un cahier petit format, grands carreaux, j'entame donc le premier jour du reste de ma vie, et je consigne mes faits, mes gestes, mes joies, mes peines, mes pensées et mes délires. Tu sais, j'ai un passé peu glorieux, je me sens triste parfois d'être seule en un jour pareil. Mes amours ont toujours été chaotiques, mes amitiés toujours gonflées de déception. Alors l'un dans l'autre, je préfère encore, cher journal, qu'à quiconque, tu restes secret (je te cacherai tous les jours, soigneusement, sous mon lit). Si tu te faisais découvrir par ma mère, je serais véritablement anéantie, il n'y a personne de plus au monde que, souvent, je déteste. Je la trouve antipathique au possible : fais ceci, ne fais pas cela, mais flûte ! c'est ma vie, pas la sienne ! Les mères sont comme ça, elles se croient tout permis, elles se prennent pour Big Brother, ce qui, pour moi, est un somptueux paradoxe. Mais passons, j'ai autre chose à te dire.
Tu le sais, c'est la Saint-Valentin, et en manque d'amour et de tendresse, j'ai osé (je ne sais pas pourquoi) appeler Sasuke, mon ex, le brun que tu n'as jamais aimé tout à fait. Je crois que mes amis non plus n'avaient pas un œil d'admiration sans bornes sur lui, enfin, mes copines, si, mais tu vois, mon tendre journal, c'est carrément une autre histoire. Bref, sans blague, j'ai honte, un petit peu : il ne m'a pas répondu. Il m'a dit qu'il ne vivait plus dans le GT, ce quartier cher à mon cœur, mon vieux tournoi natal, et que même s'il y vivait encore, il aurait tant de groupies que ce n'est pas moi qu'il aurait choisie. J'ai été très vexée et aussi très affectée que, malgré notre histoire ensemble, en ce jour si spécial, il m'ait répondu de la sorte, sans aucune considération sinon pour lui-même. Tu sais, mon journal, être une jeune fille de 15 ans n'est pas facile tous les jours, et pour écrire quasiment sans faute, crois-moi, j'ai d'ouvert sur mes genoux, et mon Bescherelle, et mon dictionnaire (Le Petit Robert, si tu veux, le Grand étant un peu trop cher pour ma bourse, et Le Petit Larousse, tout le monde le dénigre).
Je ne me sens pas très bien, après le coup que m'a fait subir Sasuke, je ne peux décemment pas me sentir bien. Ce que je dis est très confus, mais mon journal, néanmoins que je ne sois âgée que de 15 ans, pardonne-moi mes écarts d'expression si, par le plus grand des hasards, je venais à me servir sans vergogne de certaines à la fois désuètes et, pourrait-on dire, précieuses : c'est que je ne fais pas grand événement de tout ça, et la plupart du temps, ce n'est que le fruit de ma détresse. Pour revenir à nos moutons, mon Petit Prince parti, que pourrai-je faire d'autre ? Pour revenir à nos moutons, disais-je, j'ai commencé à lire Sade aujourd'hui, en cette Saint-Valentin des plus mornes lol. Le Marquis de Sade fait référence, je le pense, à ce mot anglais que je méprise tant : sad. C'est le mot qui convient, et c'est également le recueil qui convient pour ce jour si particulier dit des amoureux : Les Crimes de l'amour (ça ne parle que d'inceste, et je me sens revivre à les lire, et je pense à tous ces couples, et mon esprit se trouve en paix). Mais quelle rapport, me diras-tu, Ô mon bien-aimé journal si récemment commencé, avec mon vieux pays natal, le GT ?
Quel rapport, me diras-tu ? Eh, tu es encore mon journal, et ma plume a bien le droit de tracer ce dont j'ai envie, rapport ou non, bon sens ou non, la reine ici, c'est moi ! Dieu merci, je l'ai dit, et je l'ai cru. N'empêche, j'ai un but, un objectif que je ne m'avoue plus après mon échec Sasuke (ce crétin, j'en suis sûre, a préféré cette prostituée de Sakura à moi) : je veux écrire un sms à Trunks mdr ! :p Voilà que je me surprends à insérer dans mon texte des smileys, cet art affreux que j'ai si souvent réprimé au plus fort de moi-même. Quel est ton avis là-dessus ? C'est-à-dire qu'il passe, justement, quelle grande surprise, dans mon quartier latin aujourd'hui. Et si je parviens à lui envoyer un sms rempli d'amour et de suspense (mais que raconté-je ?), peut-être daignera-t-il m'inviter pour une première danse ? Il est si... etc. Je te laisse, ma mère monte, elle ne doit pas voir que j'é...
Ouf, je l'ai échappé belle, je te dis pas ! J'ai à peine eu le temps de te refermer et te glisser, dans le même mouvement, je le précise pour mes auditeurs (dit-on plutôt lecteurs ?) que je n'ai pas, que je ne veux pas avoir, absolument pas. La raison, je te l'ai déjà expliqué, ne fais pas l'enfant ! Tu me traites de schizophrène ? De quel droit ! N'oublie pas que j'ai vocation de vie et surtout de mort sur toi ! ---- Ô mon désespéré journal, ne fais pas cette tête, jamais je ne te détruirai avant que je ne me détruise, moi ! C'est insalubre ! Mes propos ont été les suivants : Trunks est si beau, de tous ses copains, ce doit être le plus beau, sa coupe de cheveux est tellement élégante. J'en frimousse à l'idée de me l'imaginer. C'est impropre ! Mais si seulement ce n'était que ça : en vrac (il y en aurait tant à dire), il est sensé, attentionné, profondément gentil, et tout, et tout. En fait, sa qualité principale serait même sa capacité à contester l'autorité établie, il sait pourtant ses faibles chances de réussite mais il lutte contre son destin ! En fin de compte, avec Trunks, c'est exactement de ça dont il s'agit : il lutte contre son destin, et par ce biais, cher journal, il lutte contre le destin tragique de tous ses amis, et mieux, de toute la planète ! De cette façon, je comprends beaucoup mieux, et quand bien même très classe, tout le sens de son voyage dans le temps. Trunks, en définitive, c'est un garçon (peut-être est-il fait pour moi ?) à l'atavus (c'est un mot du dictionnaire) très lourd à porter, il possède en lui l'espoir mais aussi le désespoir de toute une époque (la mienne, la tienne), il est le représentant d'une certaine fatalité, et il est le spécimen d'une utopie à venir. Je l'aime (du moins, je le crois) parce que de tous ses congénères, c'est le plus triste des hommes, son histoire n'est pas donnée à n'importe qui de l'encaisser. Il est fort en plus d'être beau, il est en somme presque parfait !
Hélas ! Motoko passe dans mon quartier latin le même jour, aujourd'hui ! Tu le sais, cher journal, c'est l'une de mes meilleures amies. Ne pas accepter de la voir constituerait une trahison à nulle autre pareille. Serais-je un monstre que de choisir l'espoir d'un amour fou à l'assurance d'une amitié folle ? En outre, Motoko est bien de ces filles, sans arrêt à se questionner sur ses origines, sur sa condition. Suis-je, serai-je, serais-je même, puis-je, dois-je, and so on (j'ai fait quelque peu de l'anglais, j'en profite, et cher journal, tu es au minimum bilingue, ce qui tombe merveilleusement bien). En soi, Motoko est à mon image, une philosophe, point de départ à une ère nouvelle. Elle est unanimement reconnue (tu comprends qu'au lycée, sa popularité n'est plus à prouver, lorsqu'elle est sortie de la piscine, chacun a retenu son souffle par exemple, parce que chacun voyait la naissance... voyait, à ce moment précis, sa naissance, c'est un peu une métaphore évidente). Je me rends compte que j'ouvre énormément de parenthèses, je m'en excuse. Mais les parenthèses sont sources de précisions supplémentaires, et ne pas les usiter serait, à mon avis, une erreur, quoique cette erreur puisse être comblée par une écriture plus directe, en un mot, plus digne. Mais j'ai 15 ans, et ça justifie tout !
Mon calorique (c'est que je te dévore) journal, déjà trois pages que je te tue à petit feu, Trunks ou Motoko ? N'oublie pas que c'est la Saint-Valentin, c'est important. Et tu as raison : Motoko. Une amie possède une date de péremption plus tardive qu'un petit ami. Peut-être est-ce pour cela qu'on ajoute le mot "petit" devant un "petit ami" ? Parce que cet ami est, au contraire d'un grand ami, petit ? Ceci expliquerait bien des choses. Et moi, je te laisse, pages de ma vie, prends bien soin de toi, j'aurai tôt fait de dresser ma plume à nouveau pour te massacrer mot après mot.
Le 14 février 2010,
Sarah Contesavie
PS : J'entends à nouveau des pas résonner derrière ma porte, vite ! :) ----
|