Grand SeigneurNura Le Seigneur des Yokai est une nouvelle série éditée par Kana depuis deux mois, avec une double sortie pour le lancement, et un troisième volume déjà disponible. De quoi bien lancer l’intrigue et les personnages.
Son titre original est
Nurarihyon no mago, qu’on traduit par « le petit fils de Nurarihyon », un des plus célèbres Yokai du folklore japonais. Il s’agit d’un shonen, débuté dans le Weekly Jump en mars 2008, et qui a bénéficié d’une adaptation en animé en 2010. Un succès pour la Shueisha, après une période où beaucoup de séries ont été arrêtées très précocement (
Junbor,
Double Arts,
Belmonde Le VisiteuR,
Hitomi no Catoblepas pour ne parler que de celles que les communautés de scantrad avaient investies), et il a renouvelé l’offre du Jump avec quelques autres, certaines arrêtées depuis (
Psyren), d’autres fermement installés (
Toriko,
Bakuman,
Beelzebub plus récemment). Le titre est semble-t-il actuellement en perte de vitesse dans le Jump. Il a pourtant vraiment de quoi séduire !
Il s’agit du premier manga de Hiroshi Shiibashi, qui a auparavant travaillé comme assistant d’Araki, notamment sur
Steel Ball Run. Cet auteur est lié à un autre ancien assistant d’Araki : Yasuki Tanaka qui avait lancé quelque mois avant
Hitomi no Catoblepas, série que j’avais beaucoup aimé, mais qui avait été un échec complet, et série dont Shiibashi aurait repris un personnage pour
Nura ! Lorsque
Nura est paru, je n’ai lu que les premiers chapitres qui ne m’ont pas emballé et j’étais encore dégoûté de l’arrêt de séries que j’appréciais. Je suis passé à côté d’une série très sympa !
Nura-conte quoi ?Nura raconte l’histoire d’un collégien qui est pour ¼ Yokai, c’est-à-dire démon. Il est le petit fils du chef du clan Nura, Nurarihyon, et doit lui succéder à la tête du clan, qui règne sur la ville imaginaire d’Ukiyo-e (en gros la région de Tokyo a priori). Mais le jeune collégien n’a pas de pouvoir, et s’il apprécie les Yokai, il ne compte pas vivre dans leur monde, être à leur tête. Pourtant, certaines nuits, un alter ego surgit et accomplit des exploits pour sauver les proches de Nura menacés par des Yokai nuisibles. Il s’agit de la partie Yokai du héros, dont Nura doit peu à peu prendre conscience.
Le pitch de départ lorgne donc à la fois du côté de Reborn (minus gentil bombardé héritier d’une organisation regroupant des monstres, environnement collège qui se télescope avec celui d’un monde tabou) et du côté de Naruto (affrontements intra et inter clans), voire du côté de Eyeshield 21 avec le héros masqué. Mais Nura, c’est surtout un imaginaire assez démentiel, un bestiaire fabuleux, une plongée dans le folklore japonais par un biais ludique et très sympa.
Les deux premiers tomes posent les bases de la dynamique interne du clan Nura. On a d’un côté le monde « réel » de
Nura, à l’école, avec tout un versant plutôt gentil et comique fondé sur des quiproquos, la nécessité de masquer son identité ou globalement le monde des Yokai, et de l’autre ce monde précisément, peuplé de créatures loufoques ou terrifiantes. Le troisième tome s’ouvre vers l’extérieur, le clan rencontrant d’autres clans du Japon.
Yokai or not Yokai ?Ce qui étonne dans
Nura, c’est que la ligne shonen est à la fois fermement établie et tenue (cf tous les liens avec d’autres titres à succès ainsi que les codes qu’on voit se dessiner dès le début du récit) et franchie par moments avec de rapides passages très sombres, violents, voire gores, qui détonnent complètement. Si Rikuo veut faire du monde des Yokai un monde de gentils, il se heurte, comme le fait le manga, à la réalité d’un monde de démons dans lequel le plus puissant, son grand-père, est peut-être débonnaire, mais où surtout un grand nombre vivent des peurs des humains quand ce n’est pas de leur chair.
Le manga joue avec les peurs primaires pour s’en moquer, pour les exorciser, les abordent par le biais du shonen, mais en fait quand même le cœur du récit. Cela donne des passages troublants, qui mettent mal à l’aise (passage des Rats) ou qui dont la mise en scène est particulièrement inventive et onirique (le miroir pourpre). Je ne sais pas encore trop où le titre se dirige, mais cette zone de flottement, comme le nom de la ville qui sert de cadre au récit après tout, donne un charme indéniable au manga, et m’a semblé le faire surnager dans une production un peu formatée et convenue.
D’ailleurs, étonnamment, la partie proprement nekketsu est pour le moment assez négligée. Si les adversaires sont présents et acharnés, les héros ne doivent pas déployer d’infinies stratégies pour vaincre (l’influence d’Araki n’est pas du tout à chercher de ce côté, mais plutôt sur le bestiaire monstrueux, dans la mise en scène des corps !), et la résolution des combats est très rapide. Ce qui compte, pour le moment, c’est avant tout la montée de la tension.
Face à cette tension, le manga insiste fortement sur sa veine humoristique par des situations cocasses, loufoques. C'est en cela que
Nura rappelle le Reborn des premiers volumes. La question est de savoir si on va avoir une évolution à la Reborn précisément, avec une veine nekketsu classique prenant progressivement le dessus, ou si l'équilibre va pouvoir être maintenu tel quel, pour faire de
Nura une sorte d'
Eyeshield 21 remplaçant les matchs par des affrontements entre clans, ponctués de la vie et des ambitions des groupes formant la base du manga (la Maison Mère et le Club Kiyo).
Enfin, graphiquement, l'intégration du folklore et de son bestiaire produit des planches que je trouve très très réussie. Si la partie collège du manga suit des codes classiques, voire usés dans le trait et la composition, la partie nocture et Yokai se montre elle extrêmement inventive et frappante par sa qualité globale, sa recherche d'effets "typiques" et son souci du détail. Les plans d'ensembles sont un vrai régal pour les yeux: soit animation des différents plans, soit esthétique des corps et des poses, soit minutie des éléments proposés (cf. le montage en guise d'exemple que j'ai récupéré en faisant un peu de recherche icono autour de la série).
Tous des monstres ! (Freaks)Nura se signale d’abord par sa galerie de personnages, Yokai et non Yokai, tous assez extraordinaires. C’est la première richesse du manga ! On peut classer cette foisonnante population en groupes et sous-groupes, en distinguant d’abord Yokai et collégiens, puisque c’est cette distinction qui en Rikuo fonde la tension dramatique de la série
RikuoDouble donc avec Rikuo le collégien, et Rikuo de la nuit, état de Yokai qui ne s’éveille que par moments, dans des conditions favorables (la nuit), lorsque nécessaire (danger pour des proches). Petit fils de Nurarihyon, il est appelé à devenir de 3ème Commandant, le mystère autour de son père restant pour l’heure entier.
Le Cortège du clan NuraLe monde des Yokai est structuré en clans, hiérarchiquement ordonnés. Le système apparaît comme féodal, traditionnel, voire mafieux type yakusa. Le clan Nura est un grand clan qui a su rallier d’autres clans pour dominer une région, celle autour de la ville d’Ukiyo-e. On distingue donc les Yokai de la Maison Mère (ceux du clan Nura à proprement parler) et ceux des clans alliés, dont les leaders sont censés avoir bu le saké de loyauté avec Nurarihyon ou avoir juré fidélité au clan.
NurarihyonGrand-père de Rikuo, ayant eu un fils avec une humaine, fils qui lui-même a eu Rikuo avec une humaine. Dans le folklore, Nurarihyon est à la fois un des plus puissants Yokai, et un Yokai d’allure assez débonnaire puisque son pouvoir est d’entrer dans les maisons des humains sans être remarqué. Il dirige le clan, cherchant à imposer Rikuo comme son successeur. Ressort comique la plupart du temps, il faut attendre la fin du 3ème tome pour le voir vraiment à l’œuvre… On le voit aussi dans des flashback sous une apparence qui rappelle Rikuo de la nuit (sacrément classe, donc).
Yuki-OnnaUne Yokai au pouvoir lié à la glace. Combattante, c’est surtout une servante dévouée (à l’excès !) de Rikuo. Elle prend l’apparence d’une collégienne proche de Rikuo pour veilleur sur lui la journée, sous le nom de Tsurara Oikawa. Elle intégre le club de Kiyo Sainte-Croix pour suivre Rikuo, ce qui la conduira à des situations compliquées avec Yura, la chasseuse de Yokai, et Kana, l’ami d’enfance et un peu plus de Rikuo ! Elle sera donc des différentes aventures du héros. Le décalage entre ce qu’elle est les situations scolaires constituent un ressort comique évident ! J’adore ce personnage!
AotaboYokai combattant pur jus, censé représenter un prêtre (!) envoyé lui aussi au collège pour veiller sur Rikuo. Mais en gros bourrin qu’il est, il est rapidement devenu le leader des délinquants du coin, et passe plus son temps à diriger son gang de motards qu’à accompagner Rikuo dans ses plans douteux. Du grand n’importe quoi !
KurotaboL’autre force de frappe du clan. Prêtre plus classieux, combattant à l’aide de lames, il forme un duo avec Aotabo. Lorsqu’il se fait passer pour un humain, il revêt l’apparence d’un homme d’affaire, avec d’inévitables complications !
Karasu TenguYokai de type corbeau, et conseiller direct de Nurarihyon, il fait marcher la maison à la manière d’un intendant. Il est le père de 3 autres Tengu, les
Sanbagarasu, qui servent de messagers et d’informateurs pour le clan.
KubinashiHomme sans cou, se battant avec une sorte de lacet. Membre de la garde proche de Nura, il s’occupe essentiellement de la maison, et paraît plus réfléchi que les autres Yokai.
KappaBen… un kappa qui vit globalement dans le bassin de la Maison Mère, mais qui sort parfois en ville, cachant difficilement ses palmes !
KejoroTrès belle femme qui effectue le service dans la maison. Yokai dont on ne connaît pas grand-chose pour l’heure, mais qui n’hésite pas à aller à la rencontre des amis de Rikuo qui s’aventurent dans la Maison Mère quand les autres Yokai se terrent la plupart du temps.
Et bien d’autres que je vous laisse découvrir !!!
A côté de la Maison Mère, on trouve plusieurs clans alliés, dont les principaux pour les premiers tomes sont celui de
Zen, jeune homme yokai de type oiseau et poison, ami d’enfance de Rikuo, celui des chat (famille
Neko) et celui de
Gyuki, puissant Yokai au cœur du premier vil narratif un peu développé de la série. Et en dehors du clan Nura, d’autres clans, parasites sur le territoire du clan Nura, ou contrôlant d’autres région du Japon.
Le Collège : le club Kiyo Sainte-CroixIl s’agit d’un club auquel Rikuo appartient. Evidemment, il y a adhéré contre son gré ou presque, et y reste pour surveiller ce qui s’y passe, et veiller sur Kana essentiellement. Ce groupe a pour objet… l’étude des Yokai, dans le but de prouver leur existence !
KiyotsuguLe leader du groupe. Fou furieux, très riche, obsédé par les Yokai après avoir dénié leur existence. Il décide de vouer sa vie à leur étude après avoir rencontré Rikuo de la nuit. Il cherche avant tout à être enlevé par des Yokai, et est à la source de tous les sales coups qui touchent le groupe. Evidemment, il échappe toujours au désastre, et manque les apparitions de Yokai !
Kana IenagaL’amie d’enfance de Rikuo et brin de romance du manga (la princesse en danger quoi!). Caractère plutôt fort, plutôt protectrice du Rikuo collégien. Inquiète au sujet de la relation entre Rikuo et Tsurara (Yuki-onna)
Yura KeikainJeune fille qui vient de Kyoto, envoyée par sa famille pour se former à Ukiyo-e. C’est une Onmyoji, c’est-à-dire une sorte de chasseuse de Yokai. Sa famille a développé des techniques de détection et de lutte contre les Yokai à partir de sceaux et de shikigami, papiers se transformant en créatures, soutiens ou armes. Elle paraît plutôt discrète et apathique (archétype de la « molle » dans le groupe d’élèves dans les mangas « écoliers »: son entrée en scène m'a évoqué celle d'Osaka dans Azumanga daioh!), mais très dévouée et courageuse. Elle espère trouver et vaincre Nurarihyon. La force de frappe du goupe lors des coups durs, avant l’intervention providentielle des Yokai et de Rikuo le plus souvent !
ShimaCamarade de classe ami de Rikuo, mais surtout l’agent pour ne pas dire le larbin de Kiyotsugu!
Torri Natsumi et Maki SaoriDeux jeunes filles venues dans le groupe par intérêt pour Kiyotsugu, et parce que voyant que l’argent de ce dernier peut leur permettre de visiter des endroits extraordinaires ! Les premières victimes des Yokai bien évidemment, sur un mode comique !
En espérant vous avoir donné envie de découvrir ce manga, pas révolutionnaire, mais très sympathique et qui me semble potentiellement prometteur par tous les "à côté" qu'il propose en seulement deux-trois volumes déjà!