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Jacky D. Kaput Présente
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Les Aventures de Bon Clay
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Chapitre III : Le
commencement
A Tapettal, la fête battait son plein.
Depuis l'annonce du champion choisi par Roberto, les habitants
n'avaient cessé de crier, de chanter et de vomir parce qu'ils
étaient saouls. La nuit était désormais bien tombée et la joie
de toute la population ne se contenait pas.
Bon Clay
était assis sur un rocher, au bord du plus haut ravin de
l'île, un peu à l'écart du bourg. Il regardait calmement la
mer, l'esprit vide. Il n'entendait pas les clameurs des
villageois en l'honneur de Pell, nouveau héros de Tapettal. Le
travesti était absorbé par sa contemplation. Les vagues,
l'écume, les rochers... tout cela lui apparaissait comme un
tout, tout était beau dans la mer. Il était fasciné par cette
étendue d'eau calme, chaleureuse et dangereuse à la fois. Bon
Clay savait que, pour tenir sa promesses, il lui faudrait
bientôt prendre la mer... il pensait déjà à la Route de tous
les Périls, dont même les non-informés de Tapettal avaient
déjà eu vent, et craignaient par-dessus tout...
En
songeant à son avenir, toutes ses émotions de la journée
étaient remontées en lui... la confiance avant les
résultats... l'inquiétude au sujet de l'état de santé de Bon
Klopp... le tourbillon de colère au moment de l'annonce... et
sa grande promesse... lorsqu'il l'avait prononcée, il avait
senti que cela sortait tout seul... comme une évidence, comme
s'il avait toujours su que c'était son rêve, et même plus, son
destin...
-
Bon Clay... Quelqu'un l'avait appelé d'une voix douce. Il
se retourna, c'était Pell. Pell, son fidèle ami, celui qui
avait été le premier à l'accepter dans son groupe d'amis,
alors que les autres se moquaient de lui... Bon Clay n'en
voulait pas à Pell: il s'interrogeait sur la raison pour
laquelle Roberto ne l'avait pas choisi, mais n'éprouvait même
plus de rancoeur... Il ne pensait plus qu'à son avenir qui
allait se tracer là, bercé par les flots... Pell s'assit
sur un autre rocher proche. Il y eut un moment de silence, que
Bon Clay rompit: - Je suis content pour toi, dit-il dans
un murmure. Je suis même très fier de toi. - Merci. A
nouveau le silence s'imposa. Les festivités, au loin, avaient
baissé de volume, laissant place à de nombreuses discussions
autour d'un repas gargantuesque.
Pell se tint le
ventre avec une grimace, et manqua de trébucher de son rocher.
N'y tenant plus, les deux adolescents entamèrent une
longue discussion. Ils savaient que c'était la dernière avant
le départ de Pell pour la Route de tous les Périls, et son
mystérieux Royaume. Ils se parlèrent de Tapettal, de leurs
souvenirs, de leur avenir. Ils voulaient tous les deux
traverser les mers, prendre de l'expérience afin de devenir le
plus grand danseur de tous les temps.
Ils
s'adressèrent un long sourire. Pell semblait marqué par sa
douleur au ventre, tandis que Bon Clay avait retrouvé son
entrain et se leva théâtralement, une cornemuse (venue d'on ne
sait où) à la main, se préparant à un grand moment de
communion. Pell se leva aussi mais tituba. Il tomba du
ravin.
Tout se déroula comme au ralenti. Bon Clay
tourna la tête d'un air effaré et vit la bouche de Pell
s'ouvrir en grand tandis qu'il chutait. Bon Clay tendit les
bras mais n'eut pas le temps de le rattraper. Pell
disparut. La vision de Bon Clay était repassée en vitesse
normale. Il n'osa pas regarder en bas, ayant une peur bleue de
ce qu'il allait découvrir. Puis, les larmes coulant déjà de
ses yeux, il s'avança et se pencha. Il ne vit pas Pell.
Il ne vit qu'un magnifique faucon.
Les yeux du
travesti restèrent fixés sur l'envol gracieux du volatile.
Celui-ci traça une belle courbe avant de remonter... tout
droit vers Bon Clay!!! Il eut juste le temps d'esquiver et
se retrouva les quatre fers en l'air. Quand il se remit de ses
émotions, il dirigea son regard à nouveau sur l'oiseau et
découvrit la chose la plus étrange qu'il ait jamais vue.
Le faucon, de manière très fluide, se métamorphosa en
Pell.
Bon Clay poussa un cri et recula, se rapprochant
du bord du ravin. Au dernier moment, Pell le rattrapa et lui
tint la bouche pour l'empêcher de crier. Le teint livide de
Pell révélait qu'il était aussi troublé que son ami. Sans même
qu'il eut une parole, Pell entreprit d'expliquer ce phénomène
à Bon Clay: - Je... je ne sais pas ce qui m'arrive. -
Menteur, répondit Bon Clay par réflexe, mais il vit dans les
yeux de Pell qu'il ne mentait pas. - Je ne sais pas...
tout à l'heure, j'ai mangé un drôle de fruit, que j'avais
trouvé en sortant du village... je n'en avais jamais vu de
pareil, donc j'ai goûté... le goût était horrible, vraiment
horrible, on aurait
dit du caca... - Parce que tu connais le goût du caca ?
pouffa Bon Clay en ne pouvant d'empêcher de rire malgré la
situation. Pell restait préoccupé. Les mots se
mélangeaient dans sa tête. Il poursuivit son récit, bien que
Bon Clay ne connaisse déjà la suite. - J'ai eu un sacré
mal au bide à cause de ce fruit... il m'a fait tomber, mais
sans rien faire, je me suis transformé en... faucon...
ensuite, c'est comme si voler avait été naturel, j'ai réussi
sans problème à remonter. Je crois que c'est la panique qui
m'a transformé. - Je ne me transforme pas quand je
panique, moi... Puis, pour prouver ses dires, il sauta du
ravin.
- Mais tu es vraiment débile !!! hurla Pell qui
avait retrouvé le sourire. Il s'était à nouveau transformé
en faucon pour sauver son ami, en l'accrochant à ses serres.
Pell était toujours inquiet à propos de ses nouveaux pouvoirs,
mais se laissa emporter par le rire hystérique de Bon Clay,
qui se tortillait à terre en lui donnant toutes sortes de
surnoms très difficiles à inventer. - Oiseau-man !!!
L'Homme-Faucon !!! Pell le rapace !!! Il se calma en
distinguant une silhouette qui s'approchait d'eux. La personne
portait un chapeau feutre. C'était Roberto. Il ne regarda pas
Bon Clay et annonça de manière laconique et assez sèche à
Pell: - Plus tôt nous serons arrivés dans mon pays, mieux
ce sera. De plus, je n'ai pas envie de recommencer les fêtes
pour ton départ. Nous partons maintenant. Pell ne répondit
pas et se contenta d'un hochement de tête attristé. Il fallait
partir. Il serra Bon Clay dans ses bras et lui fit
promettre en chuchotant de n'avouer à personne son secret.
Le tintamarre en ville s'était calmé. Seul dans
l'obscurité, assis sur son rocher, Bon Clay regarda s'éloigner
le bateau de Roberto, avec Pell à l'intérieur.
Trois
jours avaient passé. Bon Clay avait dû subir les consolations
des habitants pour sa défaite. Il ne les écoutait pas. Un
cancer foudroyant avait touché son père. Il allait mourir.
La maison de Bon Klopp appartenait à la ville, qui
l'offrait à tous ses nouveaux responsables de l'école de
danse. Néanmoins lui et son fils avaient su lui donner une
personnalité en la décorant de toutes les manières. Mais déjà,
pour Bon Clay, cette demeure n'était plus la sienne. Le
soleil se couchait quand il y entra pour la dernière fois. Bon
Klopp était allongé dans le lit avec des amis. Bon Clay leur
demanda de sortir. Il avait beaucoup de questions à poser à
son père, mais décida de n'en poser que deux, celles qui le
dirigeaient vers l'objectif de son prochain voyage. Bon
Clay, pour une fois, ne pleurait pas. Tout passait par le
regard avec son père. - Papa... qui est ma mère ? Bon
Klopp ne se fit pas prier pour répondre. Il laissait le
flambeau à son fils, il pouvait lui donner le plus
d'informations possibles. Il toussa à nouveau puis di d'une
voix faible: - Ce... c'est une femme... Bon Clay prit
son calepin et nota ce premier indice. - Je... j'ai
rencontré ta mère lors d'un de mes voyages... sur la Route de
tous les Périls... c'est aussi là que j'ai rencontré
Roberto... mais je ne sais pas, fiston, je ne sais pas ce
qu'elle est devenue... pardon, je suis... désolé...
Bon Clay fit ses bagages (le plus léger possible) et
dut abandonner sa lime à ongles. Puis il ôta sa veste blanche
et , à l'aide de peinture noire, y inscrivit le symbole de ses
idéaux, "Travelo Way. Le jour se levait déjà. Il commença
à traverser le village. Déjà la peinture pas sèche coulait,
transformant "Travelo Way" en "Pingouin de bergerie", ce qui
ne voulait pas dire grand-chose. Peu en importait à Bon Clay.
Il avait dans l'esprit la dernière phrase que lui avait dite
son père...
- Et quel est le nom du Royaume où habite
Roberto ? avait demandé le jeune homme. - A... adieu, mon
fils... - Non !!! Papa, donne le-moi !!! S'il te plaît !!!
Bon Clay avait serré son père dans ses bras, puis lui
avait fermé les yeux. Bon Klopp avait poussé son dernier
soupir, après avoir donné le nom de ce Royaume: Rough
Tell.
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