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Chapitre II
Lorsqu’ils parvinrent enfin à accoster, aucun des membres de l’équipage ne ressentit de soulagement. Tous pensaient à leur capitaine, perdu là-bas dans la tourmente… Comment ce garçon qui avait survécu aux situations les plus catastrophiques pouvait-il être mort d’une façon aussi stupide ? Pourquoi sa chance l’avait-t-elle abandonnée ? Nami, épuisée, se laissa tomber à genoux sur le pont. Elle fixa un moment le bois sous elle, puis releva la tête et regarda ses co-équipiers.
- Cette tempête… elle n’était pas normale, lâcha-t-elle. Je savais qu’elle arriverait, mais… ça n’aurait jamais dû être aussi vite !
Les autres lui jetèrent un regard surpris, ne comprenant pas ce qu’elle voulait dire par là. Une tempête, ça n’était pas normal par définition, non ? Voyant leur incrédulité, la rouquine déjà à bout s’énerva d’autant plus.
- Je sais de quoi je parle bon sang ! s’écria-t-elle. C’était peut être un fruit du démon, ou je ne sais quoi, mais quelque chose à fait se précipiter cette tempêter droit sur nous ! Et cette vague ! Dix fois plus grande que les autres, vous trouvez ça normal vous ?
- Ce n’était pas un fruit du démon, signala posément Robin. Il y a des limites à ce qu’on peut faire avec cela, et on ne peut modifier le climat. L’équilibre du monde en serait trop menacé. Cela dit, je veux bien te croire, tout cela était plus qu’étrange…
Un moment de silence s’installa alors, lourd, oppressant. Culpabilisant. Naturelle ou non, cette tempête venait de tuer leur capitaine. Elle venait de tuer l’homme qui leur avait fait croire en leur rêve. Accessoirement, elle venait aussi de débarrasser le monde d’un crétin fini qui ne pensait qu’à manger, mais, bizarrement, aucun d’entre eux n’y songea. Pas à ce moment là en tout cas. Chopper et Pipo pleurait à chaude larme, lorsqu’une main se posa amicalement sur l’épaule du garçon.
- Eh, faut pas te mettre dans un état pareil toi ! fit une voix. Il y a assez d’eau avec la pluie, pas la peine de nous inonder en plus.
Pipo sursauta autant à cause du contact qu’à cause de la voix, et alla se cacher derrière l’abri le plus proche de lui, à savoir Zorro, bientôt rejoint par un Chopper tout effrayé. Alors seulement le canonnier et le médecin firent comme le reste de l’équipage et regardèrent le nouveau venu.
Ou plus exactement, la nouvelle venue, puisqu’il s’agissait d’une adolescente de seize ou dix-sept ans environ, blond cendré avec de grands yeux verts moqueurs, et qui ne semblait manifestement pas gênée par le fait de se trouver sur un bateau pirate ou elle n’avait rien, mais alors rien du tout à faire. Au contraire, elle s’approcha en sautillant joyeusement de l’escrimeur, et le regarda droit dans les yeux.
- Toi, t’es plutôt mignon dans ton genre ! On te l’avait jamais dit ?
La seule réponse du jeune homme fut un ‘gmurf’ pas très concerné, ce qui sembla satisfaire l’adolescente, puisqu’elle se mit à sourire de toutes ses dents. Nami, qui décidément n’était pas de bonne humeur –enfin, pire que d’habitude –attrapa l’inconnue par le poignet et la tira violemment vers elle.
- Dis donc, on peut savoir ce que tu fiches sur notre bateau ?
- Moi ? Oh, je venais voir. Drôle de tempête, hein ? Sacrément forte et tout. Je voulais savoir comment un si petit bateau allait réussir à s’en tirer. Une amie m’avait dit que vous arriveriez tous sains et saufs, alors j’ai voulu vérifier.
- Ton amie s’est trompée, signala Nami d’un ton acerbe. Nous avons perdu quelqu’un en cours de route.
L’autre éclata de rire.
- Non, impossible. Elle est complètement dingue, mais elle se trompe jamais. Enfin, pas souvent quoi. Je suis sûr que votre ami va bientôt réapparaître, vous verrez ! Bien, en attendant, que diriez vous de manger quelque chose de chaud pour vous remettre de vos émotions ? Je suis la propriétaire de la meilleure auberge de l’île. Ça vous tente ?
Aussitôt, tous pensèrent à la réaction qu’aurait eu Luffy. Il se serait certainement jeté sur cette fille et l’aurait harcelé jusqu’à ce qu’elle l’emmène manger, sans songer un instant qu’elle était plus que louche. Parce qu’on dira ce qu’on voudra, une adolescente qui, sans les connaître, propose à un groupe de pirates recherchés de venir manger chez elle, ça pu le coup foireux à des kilomètres à la ronde.
- S’il vous plait, insista-t-elle. Il fait tellement mauvais ce soir que je n’ai aucun client ! Si vous venez, ce sera entièrement gratuit, mais je ne veux pas être seule par une tempête pareille !
Le mot ‘gratuit’ eut un effet désastreux sur Nami dont les yeux se changèrent en Berry dans l’instant tandis qu’un grand sourire se dessinait sur ses lèvres.
- Nous venons ! Ah ah, tu m’as l’air tellement sympathique, comment refuser ?
L’adolescente leva les yeux vers leur drapeau, sourit, puis sans un mot leur fit signe de la suivre. Ce qu’ils firent tous, aucun d’eux ne voulant rester seul sur le bateau. Pas après ce qui venait de se passer…
L’auberge était de taille moyenne et décorée de telle façon qu’elle donnait une immédiate sensation de chaleur humaine qui fit un bien fou à tout l’équipage. Tranquillement, ils allèrent s’asseoir à une table en même temps que l’adolescente prenait leurs commandes, et rapidement ils se retrouvèrent face à des assiettes remplies à ras bord d’un délicieux ragoût fumant.
- Eh, c’est pas mauvais ! constata Sandy. C’est même plutôt bon je dois dire. Ton cuistot pourra me passer la recette ?
-Le cuistot, c’est moi, alors merci du compliment, et je vais voir ce que je peux faire à propos de la recette. Mon auberge n’est pas très grande vous savez, je n’ai pas le moyens de payer un cuisinier. Et de toute façon, personne au monde ne cuisine mieux que moi.
Cette remarque fit tiquer Sandy, mais il ne répondit rien, galanterie oblige. Surtout qu’elle était plutôt jolie dans l’ensemble, la blondinette, encore qu’un peu maigre peut être…
- Au fait, on ne s’est toujours pas présenté ! s’exclama la-dite blondinette. Moi, je m’appelle Anna. Toi, je te reconnais, tu es Roronoa Zorro, déclara-t-elle en pointant du doigt le concerné. J’ai vu un avis de recherche à ton nom une fois. Même chose pour vous, Nico Robin, vous avez votre place dans la collection de ma meilleure amie. Par contre, les autres, je ne vous connaît pas.
Pipo profita de l’occasion pour annoncer fièrement qu’il était Pipo le Terrible, capitaine de leur équipage de pirate, et l’homme le plus dangereux du monde par dessus le marché. Il continua ainsi à se glorifier pendant un bon quart d’heure, mais Anna ne l’écoutait déjà plus.
- Moi, je suis Nami, la Navigatrice, expliqua la rouquine. Le renne, c’est Chopper, notre médecin, et le blond c’est Sandy, notre cuisinier. Normalement, il y a aussi notre capitaine, mais… une vague l’a… emporté tout à l’heure…
Pipo arrêta aussitôt de raconter comment il avait vaincu un éléphant rose qui lui cherchait des noises, et comme les cinq autres resta le nez dans son assiette. Ce qui, dans son cas, prenait tout son sens.
- Oh. Cool, fit simplement Anna. Mon ragoût ne vous plait pas que vous le dévisagiez comme ça ?
Aussitôt, Chopper éclata en sanglot en repensant à la perte de son capitaine élastique préféré, et se prit un coup sur la tête de la part de la jeune aubergiste.
- Va pleurer ailleurs, tu mouilles le plancher ! C’est pas toi qui dois te taper le ménage après, ça se voit ! J’ai assez de boulot comme ça figure-toi !
- Ah ce propos… pourquoi est-ce toi qui tiens l’auberge ? demanda Nami. Ce serait plutôt à tes parents, non ? Et si tu n’aimes pas être seule, pourquoi…
- Mes parents sont morts, répondit calmement Anna. Ma mère était aubergiste, mon père pirate, ils ont été tués par la marine un jour qu’elle était allée lui rendre visite. C’était il y a trois ans, et je me suis retrouvée à bosser pour vivre alors que je n’avais que quatorze ans. C’est pas simple tous les jours, mais on s’y fait assez vite en fait.
- Si tu veux, je pourrais rester ici et te soulager un peu de ton lourd fardeau, Anna-chan, proposa Sandy, les yeux en cœurs. Crois-moi, ce serait un plaisir pour moi que de venir en aide à une aussi jolie fille que toi !
- Ma foi, je n’ai rien contre. Ça tombe bien, je n’aime vraiment pas faire le ménage, tu pourrais t’en charger.
- Je pensais plutôt à faire la cuisine…
- J’ai pas besoin d’un cuistot, signala la jeune avec un reniflement méprisant. Je vous l’ai dit, je suis la meilleure du monde pour ça. Non, le ménage t’ira très bien.
En voyant l’air plus que débité du blond, Zorro éclata de rire. Sandy lui aurait certainement envoyé quelque chose en pleine face –une remarque cinglante, son pied, Chopper ou autre –si un étrange bruit n’avait pas retentit du côté de la porte, comme une sorte de raclement. Anna sursauta, ne s’y attendant manifestement pas, et se précipita pour ouvrir, inquiète.
Dehors, sous la pluie battante, se tenait un énorme lion à la crinière fournie, au poil luisant et aux dents plus qu’aiguisées. Loin de se mettre à hurler ou à appeler à l’aide, l’adolescente le fit entrer et courut en cuisine pour lui rapporter une pleine gamelle de ragoût sans prêter attention à Pipo et Chopper qui étaient retournés se cacher derrière Zorro selon leur habitude.
- Tu le connais ? s’informa l’escrimeur.
- Oui, c’est Touffu, il appartient à ma meilleure amie… quand elle a besoin de quelque chose, elle me l’envoie, et quand elle est en danger, malade ou quoi que se soit, c’est lui qui vient me prévenir.
Elle commença alors à enfoncer ses doigts dans la fourrure au niveau du cou de l’animal et à fouiller jusqu’à en ressortir une petite enveloppe attachée grâce à une fine cordelette. Aussitôt, elle parut soulagée.
- Une lettre, soupira-t-elle. Ça veut dire qu’elle n’a rien… Touffu, tu aurais pu me prévenir au lieu de te jeter sur la nourriture ! Stupide chat !
Anna le frappa de toute ses forces et l’assomma à moitié, puis ouvrit l’enveloppe et la parcouru rapidement du regard.
- Oh, c’est pas vrai… Toujours besoin de moi au bon moment celle là ! Ecoutez, il faut que je parte un moment, expliqua-t-elle aux pirates. Si vous avez faim, allez vous resservir en cuisine, et si vous êtes fatigués, les chambres sont à l’étage. Je serais de retour dans deux ou trois heures, quatre grand maximum. Ne faites pas de bêtises, et essayez de ne pas trop salir, sinon vous êtes tous morts !
Quelque chose dans le ton de sa voix leur fit comprendre qu’elle ne plaisantait absolument pas. Satisfaite de son petit effet, Anna courut en cuisine et en ressortit rapidement avec une gamelle sous le bras. Accompagnée par Touffu, elle sortit de l’auberge laissant l’équipage seul.
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